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Latitude, agence conseil en communication et organisme de formation, membre d'Idée Alsace fait évoluer son logo avec l'aide et la participation de l'ESAT L'Evasion de Sélestat.

Preuve une nouvelle fois que la coopération entre une entreprise et un acteur de l'économie sociale et solidaire peut donner naissance à une initiative remarquable et un partenariat gagnant-gagnant au bénéfice de tous.

Philippe Schoen, fondateur et gérant de Latitude, nous explique cette démarche peu commune.


Quelle est la genèse de ce projet ?

Je dînais avec mon épouse au Scala à Neudorf, et je reste stupéfait devant une affiche, exposée dans le restaurant. C'était trois ronds de couleurs qui s'interpénétraient. A l'intérieur de chaque rond, il y avait une phrase avec des mots en pointillés.

On pouvait compléter la phrase en prenant les mots qui étaient dans les deux autres ronds de couleurs. Et ça faisait des phrases très belles. Je ne me souviens plus précisément du sens. Je sais juste que c'était beau.

Et puis je me rends compte que tout autour de moi, il y avait d'autres affiches exposées. Elles étaient toutes très belles, et très fortes.

J'ai demandé au patron qui était l'artiste. Il me regarde en souriant et me tend un dépliant de l'association. Je réalise que ce sont des "handicapés mentaux" qui ont créé ses œuvres.

A partir de là, c'était évident que c'était avec eux que je devais travailler pour créer une nouvelle identité visuelle. Personne mieux qu'eux pouvaient apporter un regard neuf sur notre métier, notre équipe, voire un regard sur notre regard. C'est cette mise en abîme de la "réflexion" que je trouvais motivante.

Je crois que tout le monde a apprécié cette démarche dans l'équipe.

Pourquoi un travail collectif, alors qu'il était plus simple de faire appel à un graphiste de votre équipe ?

Cela fait longtemps que notre processus de création est collectif, parfois co-construit avec le client. Nous avons procédé de même pour nous.

Un designer peut faire le plus beau logo du monde. Si le symbole ne raconte pas d'histoire il est mort. Faire dessiner un logo par un illustrateur plus ou moins talentueux, dans le secret de son atelier, n'a pas de sens.

A l'ère de la démocratie participative et du web2.0, marquer sa nouvelle identité doit être un travail où tous les acteurs ont le loisir de participer. Le collectif, c'est faire une chose extraordinaire avec des gens ordinaires.

Comment s'est déroulé le processus de création ?

Nous avons rencontré l'équipe de l'ESAT Evasion plusieurs fois en 9 mois. Tantôt nous allions à Sélestat. Tantôt elle venait chez nous.

Une fois le logo choisi ensemble, notre atelier graphique l'a mis en scène, exécuté pour qu'il soit exploitable sur tous les supports. L'ESAT L'Evasion n'avait pas les moyens de s'équiper en matériel informatique. Nous leur avons donné deux ordinateurs graphiques. Nous avons montré aux artistes comment s'en servir. Ils ont participé à l'exécution, le choix définitif des couleurs, comment on enregistre les fichiers, dans quels formats. En septembre 2010 le logo est utilisé par l'équipe.

A-t-il été difficile de vous mettre d'accord sur un visuel ?

Je m'attendais à être surpris. Et j'ai été servi. Le logo est né d'un premier jet, à la première réunion, parmi les premières esquisses. Nous l'avions sélectionné ensemble, très tôt. Par acquit de conscience, nous avons fait un deuxième tour, puis un troisième. D'autres images ont été produites, très fortes, chargées de sens.

Vers la fin, une idée d'une simplicité désarmante a été produite par un artiste très timide et réservé. Dans mon for intérieur, j'hésite encore. Mais le choix de l'équipe s'est finalement porté sur cette drôle de petite planète humaine.

Quelle expérience retirez-vous de ce travail collaboratif ?

Nous avons rencontré des gens différents. Tellement différents qu'ils ne peuvent exercer leur talent que dans un établissement particulier. Ils sont considérés comme des handicapés mentaux. Après cette expérience, je ne dirai jamais plus "handicapés mentaux", je dirais "trop bienveillants dans ce monde", le monde dur et égoïste dans lequel nous travaillons.

Les artistes de l'ESAT L'Evasion sont extrêmement sensibles, extrêmement ouverts et joyeux, extrêmement confiants. Ils ne sont pas de curieux simples d'esprit, mais simplement des gens curieux de tout.

L'ESAT L'Evasion et toute mon équipe m'ont suivi sans réserve. Le résultat, neuf mois après, raconte avec précision et dérision la passion de notre métier et notre façon de faire.

Notre logo dit en creux que sans les autres et sans la communication, notre monde n'existerait pas. Il dit en somme que notre métier est le plus important du monde, et qu'il faut le faire bien, avec prudence et avec dévouement.

Ce logo dit tout cela, me semble-t-il, avec tellement plus de clarté que les mots que je peux employer.

Tout ce qui a été produit, et toute l'amitié qui sont nés de notre rencontre avec l'Evasion restent dans nos cœurs et nos mémoires.

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